J’ai toujours eu une grande attirance pour les témoignages et récits de vie. Je me souviens de ma lecture du très fort Les Echoués, une fiction (pourtant) autour de 3 personnages qui débarquent à Lampedusa, écrite par le journaliste et reporter Pascal Manoukian. J’y ai beaucoup repensé en lisant ce livre, toujours sous forme de roman mais rédigé cette fois à partir de témoignages. L’auteur italien Davide Enia récolte et partage les paroles de celles et ceux dont les mains soignent. Habitants, secouristes, plongeurs, garde-côtes, pêcheurs, nous racontent un épisode de leur vie sur cette île particulière, jonction entre les continents européen et africain.
Il y a ces épisodes que nous connaissons déjà, comme ce tristement célèbre 3 octobre 2013 diffusé dans tous les médias, mais qui racontés « de l’intérieur » prennent une dimension encore plus puissante. Promis, on ne fait pas que pleurer, c’est aussi (surtout ?) une ode à la vie, aux belles rencontres et aux jolies âmes.

Avant, dit Paola, j’avais tendance à voir leur souffrance, les corps amaigris, les bleus, les cicatrices, leur regard effrayé. Je les regardais du haut de mon piédestal, tu comprends ? D’une position qui, puisqu’on les aide, les rend redevables à jamais. Et cette histoire drôle m’a fait prendre conscience de l’épaisseur de l’histoire individuelle de chacun. Je ne pouvais pas comprendre la douleur des expériences qu’ils ont vécues, mais je réalisais tout à coup que c’était, que c’est une erreur gigantesque de les traiter avec ce paternalisme absurde. Il n’y a pas que le désespoir. Il y a le besoin de réussir, de devenir meilleur, il y a les chansons et les jeux, l’envie de goûter certains plats ou de plaisanter avec les autres.